Période 1600-1764 Les bâtisseuses de la Nouvelle-France

Qui étaient ces bâtisseuses dont l’historiographie a conservé si peu de traces ? Épouses ou religieuses, filles des premiers colons de la Nouvelle-France ou immigrantes ? Comment ont-elles pensé et organisé leur vie, enseigné et soigné, bâti maison et, pour la plupart, donné naissance aux enfants qui peupleront la colonie. Aux côtés de Jeanne Mance, co-fondatrice de Montréal, seuls quelques noms de femmes ont traversé le temps.

Mar 15
Walking with our Sisters, création artitistique commémorant les femmes et les enfants autochtones disparus ou assassinés.
Wikimedia Commons. Image captée durant l'installation de l'exposition Walking with our Sisters à l'Université d'Algoma en 2014

1608Les Premières Nations

Longtemps avant l’arrivée des Européens, les peuples autochtones occupaient l’ensemble du territoire des Amériques. Lorsque les Français arrivent en Nouvelle-France, ils y rencontrent trois grandes familles distinctes. Les Abénaquis, les Algonquins, les Attikameks, les Cris, les Malécites, les Micmacs, les Innus et les Naskapis qui forment la nation algonquienne; les Hurons-Wendats et les Mohawks, la nation iroquoïenne et les Inuits qui constituent un groupe ethnique distinct dont la quasi-totalité habite la région au nord de la Baie-d ’Hudson.

Chacune de ces Premières Nations entretient une conception du monde, possède une culture et une langue singulières et pratique un mode de vie qui leur est propre. Elles partagent cependant toutes la même unité de base, soit la famille dans laquelle, malgré l’existence d’une division sexuelle du travail bien établie, les inégalités de sexe sont nettement moins présentes que dans les sociétés européennes de la même époque. L’apport du travail des femmes autochtones est essentiel à la survie de ces sociétés et y est reconnu comme tel. En raison de leurs tâches et responsabilités, les femmes représentent le pivot de l’organisation sociale de leur tribu. Elles sont également les gardiennes des savoir-faire ancestraux, de la culture et des traditions. Les écrits laissés par les premiers explorateurs font d’ailleurs état, plus souvent qu’autrement sur un ton désapprobateur, de l’espace de liberté et du degré d’autonomie dont les femmes autochtones jouissent au sein de leur société respective, tout comme dans l’exécution de leurs tâches et l’exercice de leurs responsabilités spécifiques.

Chez les Iroquoiens, plus particulièrement, le mode de filiation matrilinéaire qui y est pratiqué permet aux femmes d’avoir un ascendant réel au sein de leur société. C’est leur nom qui est transmis aux enfants, ce sont elles qui détiennent l’autorité dans les maisons longues et qui gèrent les relations entre les membres du clan. Elles sont également appelées à jouer un rôle actif en périodes de guerre, alors que les Mères de clan ou Gontowisas, soit les femmes aînées, ont la responsabilité de nommer les chefs de village (les sachem).

Le contact avec la conception patriarcale des rapports hommes-femmes véhiculée par les colonisateurs européens, le bouleversement progressif de la culture et des modes de production traditionnels, l’effondrement démographique largement attribué à des ravage épidémiques et, éventuellement, l’instauration de l’ordre capitaliste industriel de même que la promulgation de lois explicitement discriminatoires à l’égard du statut d’Indienne dans la seconde moitié du XIXe siècle provoqueront, au fil des siècles, une dégradation substantielle de la condition des femmes autochtones. Page sombre de l’histoire, la loi sur les Indiens qui décrète, à partir de 1920, que tous les enfants autochtones du Canada doivent être placés dans un pensionnat autochtone au moins 10 mois par année et, par conséquent, arbitrairement séparés de leur famille, mènera sur plusieurs générations à la rupture des unités familiales et à la perte de sens du rôle maternel, tout comme à la déperdition des langues, des savoirs traditionnels, des valeurs, du patrimoine et des cultures. Outils d’assimilations et de contrôle en opération pendant plus d’un siècle, ces pensionnats autochtones vont également entraîner, pour plusieurs générations de leurs pensionnaires et leurs descendantes et descendants, de nombreuses et néfastes séquelles physiques et psychologiques à l’origine de la reproduction de problèmes sociaux sérieux dans plusieurs communautés.

Encore aujourd’hui, malgré les gains réalisés par les femmes autochtones lors de la réforme de la Loi sur les Indiens en 1995 et les luttes qu’elles poursuivent incessamment pour améliorer leur bien-être social, économique, culturel et politique, et mettre fin à la discrimination qu’elles subissent, des obstacles de taille tant culturels, économiques que politiques, ralentissent sinon freinent encore leur accès à la pleine réalisation de leurs droits, de leur dignité et de leur culture. La ligne du temps permet de faire apparaître et d’intégrer le rappel de ces mobilisations et de ces luttes dans l’histoire des femmes au Québec.

Les femmes iroquoises de la bourgade d’Hochelada.pdf


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Monument représentant Marie Rollet assise au milieu de ses trois enfants
Monument représentant Marie Rollet assise au milieu de ses trois enfants crédits : Jeangagnon, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

1617Marie Rollet (1580-1649)

Arrivée de Marie Rollet, de Louis Hébert et de leurs trois enfants. La famille est la première à s’établir en Nouvelle-France et à y cultiver la terre. Marie Rollet et sa famille font partie de la petite vingtaine de Français qui décideront de demeurer dans la Colonie pendant le siège de Québec par les frères Kirke de 1629 à 1632.


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Marie de l'Incarnation
Domaine public. Portrait de Marie de l'Incarnation attribué au peintre Hugues Pommier. Archives des Ursulines de Québec.

1639Les Ursulines de Québec

À l’instigation de Marie-Madeleine Chauvigny de la Peltrie, les Ursulines, dont Marie de l’Incarnation (Marie Guyart) fondent le premier couvent pour jeunes filles et ouvrent les premières classes pour filles françaises et amérindiennes en Amérique du Nord.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/LaPeltrie.pdf

 


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Illustration de Monographie. Vie de Mademoiselle Mance et commencements de la colonie de Montréal par Adrien Leblond
https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/1958473

1642Jeanne Mance (1606-1673)

Jeanne Mance, arrivée à Québec le 8 août 1641, joue un rôle essentiel dans l’établissement de Ville-Marie. À son arrivée à Montréal, le 17 mai 1642, elle est accompagnée par Madame de La Peltrie et sa suivante, Charlotte Barré. Fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, Jeanne-Mance est reconnue en 2012 comme cofondatrice de Montréal à l’égal de Maisonneuve.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Mance.pdf


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Scène d’accouchement tirée de l’ouvrage Der Swangern Frawen und he bammen roszgarten, par Eucharius Rösslin, 1513.
Wikipedia Commons. Service des livres ares et collections spéciales. Université de Montréal

1655Hélène Desportes (vers 1620-1675)

Nièce de Marguerite Langlois et héritière de son savoir, Hélène Desportes, réputée être la première fille née en Nouvelle-France autour de 1620, est inscrite aux registres de Notre-Dame de Québec au titre de sage-femme. Mère de 15 enfants, elle initiera à son tour deux de ses filles, Françoise Hébert et Louise Morin, à la sage-femmerie.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/SagesFemmes.pdf


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Marguerite Bourgeois

1658Marguerite Bourgeois (1620-1700)

Marguerite Bourgeoys ouvre au printemps une première école à Ville-Marie dans une étable abandonnée. Pour assurer la permanence de son œuvre, elle fonde la première communauté de religieuses non cloîtrées, les Sœurs de la Congrégation Notre-Dame de Montréal.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Bourgeoys.pdf


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Plaque commémorative du départ des Filles du Roy entre 1663 et 1673, depuis le port de Dieppe (Seine-Maritime, France).
ttps:// commons.wikimedia.org/wiki/File:Dieppe_-_Plaque_d%C3%A9part_filles_du_Roy_1663-1673_(juil_2022).jpg

1663Filles du Roy (1663 à 1673)

Près de 800 Filles du Roy seront amenées en Nouvelle-France entre 1663 et 1673 afin de favoriser le peuplement de la colonie. Le terme Filles du Roy fut utilisé pour la première fois en 1698 dans un écrit de Marguerite Bourgeois pour désigner ces jeunes femmes, généralement d’origine modeste, envoyées en Nouvelle-France pour se trouver un mari et contribuer au peuplement de la colonie.


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Glyceria canadensis/Glycérie canadienne. Spécimen d'herbier
Wikepedia Commons. Bibliothèque de l'université Laval. 15-p.bot-glyce.cana-13

1685Catherine Jérémie-Aubuchon (1664-1744)

Catherine Jérémie-Aubuchon, une des premières sages-femmes à exercer le métier à Montréal, est aussi connue comme herborisatrice. Par ses récoltes de plantes expédiées en France avec annotations, elle contribue à faire connaître la flore du Québec auprès des naturalistes français qui en cherchent les propriétés médicinales et utilitaires.


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Domaine public. Dessin. Collection des Hospitalières de Saint-Joseph de Montréal.

1697Marie Morin (1649-1730)

Marie Morin (Sœur), supérieure de l’Hôtel-Dieu de Montréal de 1693 à 1696 et de 1708 à 1711, est considérée comme la première femme écrivaine née en Nouvelle-France. Elle rédige entre 1697 et 1725 Les Annales de l’Hôtel-Dieu dans lesquelles elle décrit la vie et le travail des religieuses.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Morin.pdf


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Plaque commémorative en mémoire d'Agathe de Saint-Père de Repentigny, à l'intersection des rues Saint-François-Xavier et Saint-Paul, Montréal, Québec, Canada. Source : Commission des lieux et monuments historiques du Canada
Creative Commons. Commission des lieux et monuments historiques du Canada.

1705Agathe de Saint-Père-Le Gardeur de Repentigny (1657-1748)

La première manufacture d’étoffes est ouverte en Nouvelle-France par Agathe de Saint-Père-Le Gardeur de Repentigny. Dynamique et industrieuse, elle est aussi  la première à s’initier à la fabrication du sucre d’érable auprès des Amérindiens et à en commercialiser la production.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/SaintPere.pdf


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COURTING: Man on Red Horse Courts a Woman in First-phase Chief’s Blanket, Wild Hog Ledger,

1726Marie Madeleine Renarde (1698–1777)

Née au sein de la nation Panis du Wisconsin, Marie Madeleine Renarde (1698–1777) – plus connue sous son nom de baptême, Madeleine Chauvet – est une esclave autochtone de Madeleine de Verchères et de son mari Pierre-Thomas Tarieu de La Pérade. En 1726, elle déserte la seigneurie de ses maîtres et s’enfuit avec l’aide d’un voisin, Pierre Chauvet dit Lagerne. Malgré une ordonnance demandant son retour, l’esclave obtient son affranchissement à l’occasion de son mariage avec Pierre Chauvet, à Beauport, le 7 novembre de la même année. Ils forment l’une des toutes premières familles métisses de la Nouvelle-France. De leur union naîtront deux enfants, Ursule et Pierre Chauvet.


Jan 01
Le procès de Maire-Josèphe-Angélique

1733Thérèse de Couagne (1697-1764)

Voulant faire fructifier le patrimoine de son défunt mari, non seulement Thérèse de Couagne poursuit-elle les activités commerciales entreprises par celui-ci, mais elle forme une nouvelle compagnie avec ses anciens associés afin de continuer d’exploiter les Forges de St-Maurice. L’histoire se souviendra davantage d’elle comme propriétaire de l’esclave Marie-Joseph-Angélique accusée d’avoir provoqué l’incendie de 1734 à Montréal.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Couagne.pdf


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Pâte de blé MissMe de Marie-Joseph Angélique dans le quartier Mile-end à Montréal
Creative Common. MissMe art. Marie-Joseph Angélique

1734Marie Josephe Angélique (1705-1734)

Après avoir été soumise à l’humiliation publique, l’esclave noire Marie Josephe Angélique est pendue sur la place publique, le 21 juin, accusée d’avoir mis le feu à la maison de sa maîtresse Thérèse de Couagne pour se venger de celle-ci qui voulait la vendre pour l’empêcher de suivre son amant en Nouvelle-Angleterre. L’incendie prit une grande ampleur et détruisit 46 maisons, dont le couvent et l’Hôtel-Dieu.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Angelique.pdf


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Portrait de Marie-Marguerite d'Youville de F.Barrette
BAnQ. Portrait de Marie-Marguerite d'Youville peint par F. Barrette Fonds Armour Landry BaNQ

1737Marguerite d’Youville (1701-1771)

Marguerite d’Youville (Marie-Marguerite Dufrost de Lajemmerais) fonde la Congrégation des Sœurs de la Charité de Montréal. Il s’agit de la première communauté religieuse fondée par une Canadienne. Connues sous le nom des Sœurs Grises, les religieuses prennent en charge l’administration de l’Hôpital Général de Montréal et s’occupent des personnes âgées, pauvres, malades, infirmes, orphelines, mères célibataires et « aliénées ». Les Sœurs de la Charité s’établiront à Québec en 1849. En 1990, Marie-Marguerite d’Youville est canonisée par le pape Jean-Paul II.  Elle est la première personne catholique, née au Canada, à devenir sainte.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Youville.pdf


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iStock

1740Marguerite Duplessis (vers  1718–après 1740)

Originaire de la nation des Panis, Marguerite (Marie-Marguerite) Duplessis est vendue comme esclave à l’âge de huit ans. Enfermée dans la prison de Québec en 1740 pour libertinage et vol, selon les accusations de son propriétaire Marc-Antoine Huart Dormicourt qui voulait se débarrasser d’elle, Marguerite Duplessis est la première esclave à recourir à l’appareil judiciaire pour contester sa déportation vers les Antilles et réclamer son émancipation. Son appel fut rejeté et sa condamnation maintenue. Elle aurait quitté la Nouvelle-France à la fin de l’automne 1740 à destination des Antilles. Sa trace est perdue par la suite.

 


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Entre 1748 et 1753, Élisabeth Bégon, qui vit à Montréal, échange des lettres avec Michel de Villebois, son gendre, qui est gouverneur de La Nouvelle-Orléans.
Page couverture. Lettres au cher fils. Boréal

1748Élisabeth Bégon (1696-1755)

Élisabeth Bégon, considérée comme la première chroniqueuse sociopolitique de la vie montréalaise dans les dernières années du Régime français, commence ses échanges épistolaires avec son gendre, Michel de Villebois, qui est gouverneur de La Nouvelle-Orléans. Ses Lettres au cher fils révèlent une femme instruite qui jette un regard sans complaisance sur sa société et préconise, en matière d’éducation, des idées peu communes à l’époque.

https://histoiredesfemmes.quebec/pdf/Begon.pdf


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Marie-Josephte Corriveau.Illustration réalisée par Edmond-Joseph Massicotte pour accompagner le conte "Une relique" de Louis Fréchette, publié dans l'Almanach du peuple Beauchemin pour l'année 1913, Montréal, Beauchemin, 1912, p. 302-307
Domaine public. llustration: Edmond-Joseph Massicotte, 1912

1763Marie-Josephte Corriveau (1733-1763)

Accusée du meurtre de son second mari, Marie-Josephte Corriveau est pendue sur les Buttes-à-Nepveu, près des plaines d’Abraham.  Son corps est exposé dans une cage de fer et suspendu pendant au moins cinq semaines à un gibet dressé à Pointe-Lévy. Devenue une figure légendaire du folklore québécois, sa vie inspire plusieurs romans, chansons et pièces de théâtre. Marie-Josephte Corriveau et son gibet figurent sur un timbre émis par Postes Canada en  sur le thème du Canada hanté.